Et Jean-Paul Gaultier créa l'homme
Le Male : Passé, Présent, Futur
12 au 15 juin 2025
325 rue Saint-Martin 75003 Paris
Entrée gratuite sur réservation
Du 13 au 16 juin 2025, Paris accueille « Et Gaultier créa l’homme : Le Male - Past, Present, Future », une exposition célébrant l'iconique parfum « Le Male » de Jean Paul Gaultier et sa vision unique de la masculinité. La maison de couture située au 325, rue Saint-Martin ouvre ses portes au public pour cet évènement exceptionnel prenant la forme d’une véritable expérience sensorielle et immersive. Pensée comme une Factory of pleasure[1], l’exposition propose un voyage dans l’univers visionnaire et audacieux du créateur, sous la bannière à rayures du Male.
Sur le pont !
Dès l’entrée de l’exposition, le visiteur est plongé dans l’univers de Jean-Paul Gaultier en étant invité à monter l’escalier monumental de la maison de couture. Le ruban de marches en marbre blanc et aux ferronneries noires Belle Époque accueille les créations inspirées des célèbres maillot des matelots, chers au couturier. Figure pionnière de la mode inclusive engagée en faveur de la communauté LGBTQI+, Gaultier crée Le Male en 1995 en tatouant de rayures le torse musclé de son éphèbe de verre. Ce faisant, il rend hommage à Cocteau, Genet, Fassbinder ou Tom of Finland ; autant de créateurs ayant fantasmé sur des corps libres et non normés du marin dans un désir d’affirmation identitaire. Symbole d’une déconstruction de la virilité, la marinière, allant à l’encontre des canons traditionnels et devenue un véritable uniforme du créateur, incarne le moussaillon affranchi des codes et des frontières, allant de port en port au gré des vents. Les rayures tirent un trait sur le conformisme !
Dans l’écrin à la fois graphique et rococo du grand escalier de la maison de couture, les lignes marines se répandent sur les robes, les voiles, les mailles et les plissés en montrant la virtuosité du créateur dans l’art de renouveler perpétuellement les fantasmes et autres archétypes qui nourrissent son inspiration. Les matelots romantiques rencontrent les marinières-éventails tandis que les longues traines flirtent avec les pantalons pressions et les tuxedos déstructurés.
« J'ai toujours aimé l'aspect graphique et architectural des rayures. Ma mère me faisait porter des pulls à rayures marines. Ils vont avec tout et ne se démoderont probablement jamais. »
Jean-Paul Gaultier
Dame Pepo
En accédant au premier étage, juste avant de rejoindre la salle de bal, le visiteur pénètre dans un espace aménagé par Pepo Moreno, alias Dame Pepo. Transformant une zone souvent écartée du parcours traditionnel d’une exposition – les toilettes –, Dame Pepo vient cueillir le visiteur en l’invitant dans « Studio Pipi », une réplique de son atelier montrant que l’art n’a pas de géographie et appartient à tout le monde. Mettant à l’honneur les célèbres messieurs et dames pipi des toilettes publics parisiens, l’installation se présente comme une accumulation de corps, de graffitis et de muscles en papier, en carton ou en kraft, combinée à de la peinture réalisée en direct par l’artiste et des interventions sur les murs. Dame Pepo investit toutes les surfaces, tatouées du sol au plafond. Même les portes vitrées des salles de bains sont couvertes de dessins jouant avec les transparences ! Dans cet environnement où le corps désinhibé est roi, une installation sonore diffusant le son (et les silences suggestifs) de rapports sexuels captés dans des lieux de cruising[2] et une installation olfactive questionnant la véritable odeur du sex viennent compléter Studio Pipi en poussant les limites de l’idée originale derrière Le Male : une rencontre torride dans la salle de bain d’un vestiaire. Pourquoi ? Parce que !
Et Jean-Paul Gaultier créa l’homme
Arrivé sous les lustres de cristal de l’espace de la Chapelle, le visiteur découvre trois environnements qui se succèdent comme les notes d’un parfum : note de tête, de cœur et de fond.
La note de tête constitue la première rencontre avec la fragrance, la partie la plus immédiate de la pyramide olfactive. Elle est ici incarnée par l’environnement immersif, ludique et surréaliste « Et Jean-Paul Gaultier créa l’homme ». Le rouge, couleur du désir et du sang, vient recouvrir le premier temps de cette théogonie du Male pensée comme une matrice. Cerné de rideaux baroques, le visiteur fait l’expérience de l’essence originelle et brûlante du Male : la transgression. Le lexique théâtral cher au couturier enveloppe ses créations les plus iconiques montrant comment l’enfant terrible de la mode n’a cessé, depuis sa première collection homme en 1984 et ses hommes-objets, de bousculer, déconstruire, métisser et jouer avec les codes du « masculin » pour créer une mode accessible et androgyne célébrant tous les corps avec décomplexion. Bustiers aux abdos de métal ou de cuir, corsets pour hommes ou jupes unisexes, les éphèbes diurnes rencontrent les créatures nocturnes : voyous revêtus de mesh-tops tatoués, de décolletés ou de perfecto cocorico dont l’influence continue de sculpter les défilés et les rues en 2025. Tout se mélange : les genres, les cultures, le chic et le populaire, le passé, le présent et le futur. Et Gaultier créa l’homme moderne.
Le Festival de Can
En pénétrant dans le grand espace de la salle de bal, le visiteur découvre « le Festival de Can », une installation monumentale englobant les deux derniers environnements de cette exposition. Réalisée par les artistes diplômés de l'École cantonale d'art de Lausanne (ECAL), l’installation reprend le vocabulaire d’un espace industriel et d’échafaudages citadins comme toile de fond pour exposer des photographies détournant Le Male ; des réinterprétations de l’iconique buste montrant que les révolutions naissent dans la rue et que les valeurs d’inclusivité incarnées par le parfum sont plus que jamais actuelles. Sous les pavés, Le Male !
Tu sens bon, tu sais
Après la note de tête, la note de cœur d’un parfum est la plus voluptueuse et donne le caractère, la personnalité et l'émotion générale à la composition. Dans l’exposition, cette note est incarnée par l’environnement immersif « Tu sens bon, tu sais », dédié à une exploration de la construction olfactive du Male. Après le corset qui libère les femmes et le parfum « Classique », Gaultier collabore avec le nez Francis Kurkdjian afin de créer Le Male en 1995 : l’homme objet de désir portant fièrement sa marinière anticonformiste. Loin des packaging précieux marqués à l’or, le buste rayé est encapsulé dans une boite de conserve métallique : Le Male est accessible et parfume tous les hommes, les femmes et les personnes non genrées ! Tout aussi iconoclaste, la fragrance composée par Francis Kurkdjian bouleverse les codes de la parfumerie masculine traditionnelle avec ses notes à la fois propres et sensuelles, entre lavande et accords charnels.
« Tu sens bon, tu sais » est une séance de striptease olfactive plongeant le visiteur dans l’univers audacieux du Male. Installations sensorielles, vestiaire percé de glory holes diffusant le parfum ou flacons XXL aux formes suggestives qu’on hésite à caresser, comme un fruit défendu ; le visiteur est immergé dans un espace où les multiples silhouettes des flankers du Male libèrent un sillage enivrant, où les odeurs « propres » et « sales » s’enlacent et où les socles transpirent. À toucher avec le nez !
« Avant de créer un parfum, j’essaie de créer une émotion, une sensation. Avec Le Male, à l’époque, nous étions hors des codes. Tout à coup, ce parfum détonnait avec son sillage inouïe, un pied de nez à la parfumerie masculine traditionnelle, et cette boîte de conserve sortant des packaging sophistiqués attendus. »
Francis Kurkdjian
Le Male Factory
La note de fond d’un parfum est à la base de sa composition : il s'agit de la partie la plus dense et la plus intense de la pyramide olfactive qu’on appelle aussi la signature. « Le Male Factory » est la signature de cette exposition. Le visiteur est invité à sonder l’héritage que laisse le couturier derrière lui et pénètre dans un environnement performatif et sulfureux dont le fil rouge est la culture que Jean-Paul Gaultier a défendue tout au long de sa carrière avec éloquence et liberté : l’homoérotisme, la séduction, les métissages, la rue et l’histoire queer. À l’image du célèbre atelier new-yorkais d’Andy Warhol[3], « Le Male Factory » met en lumière des artistes contemporains prolongeant l’esprit transgressif qui a fait l’originalité et la renommée de l’enfant terrible de la mode.
L’artiste iranien Alireza Shojaian, dont l’œuvre vise à remettre en question les préjugés sociétaux allant à l’encontre des identités masculines non hétéronormées, a spécialement réalisé pour l’exposition trois œuvres présentées comme un autel dédié à la sensualité masculine et ses contradictions : les effigies présentant des corps tatoués émergent de bouquets de lys fleurissant tels des sexes ouverts et encadrent le portrait d’un matelot tenant entre ses mains jointes le corps idéal d’une poupée masculine. L’artiste questionne notre rapport au corps et critique les silhouettes viriles classiques que l’histoire de l’art et la culture populaire continuent de privilégier en offrant d’autres narratifs, tout aussi désirables et importants.
L’artiste germano-égyptien Mahmoud Khaled présente Splashed Memory of a night out, une série de vingt photographies en noir et blanc de close-ups[4] révélant des scènes de strip-tease. Réalisées en 2018, ces images représentent une nuit de fête à New-York dont l’artiste n’a gardé aucun souvenir. Après de nombreuses recherches, Khaled retrouve le lieu où elles ont été prises : le Splash, un club gay emblématique de la ville fermé en 2013 à cause de la gentrification de Chelsea et de l'essor des applications de rencontre. Ces tirages sont les rares traces d’un monde flottant, un lieu intemporel qui n’existe plus que sur le papier. Comme un îlot de souvenirs grignoté par la mer, les photographies commémorent la perte et l’oubli d'une scène underground centrale pour la culture queer américaine, un lieu d’échange et de rencontre évincé par le capitalisme annihilateur.
M Lissoni est un artiste et commissaire d'exposition transdisciplinaire basé à Londres. Fondée sur la recherche, sa pratique s'intéresse au sacré comme outil permettant d'incarner un rituel collectif. S'appuyant sur des fragments d'objets, d’images, de textes ou de traces orales, l’artiste développe des formes inclusives d'archivage du corps, transformant ces matériaux glanés en installations, sculptures, gravures et livres. Les trois reliefs présentés dans l’expositions, issus de sa série Martyrology, apparaissent comme trois reliquaires de saints : Saint Sébastien, Sainte Agathe et Saint Jean-Baptiste. En lieu et place de fragments d’os cependant, l’artiste place sur des coussins de cuivre un flacon de poppers, un cache-téton et une mèche de cheveux. Les trois reliefs traçent des parallèles entre les peintures de martyres catholiques de la Renaissance, les scènes du cinéma d'horreur occidental et la culture queer contemporaine, questionnant la relation entre l'iconographie, l’évolution de notre perception du corps et le rapport de la sphère politique à ce dernier.
Bashar Murad est un artiste pop, auteur-compositeur-interprète et cinéaste palestinien. Nourrit d’influences internationales, sa musique et le clip diffusés dans l’espace d’exposition s’attèlent à remettre en question les stéréotypes véhiculés par la culture occidentale et mettre en lumière les problèmes sociaux auxquels sont confrontés les jeunes Palestiniens, notamment la vie sous l'occupation et dans un contexte patriarcal, l'égalité et la diversité des genres.
Le travail de l’artiste et éditeur français Nino Cadeau se concentre sur les récits homoérotiques, documentant la vie sociale queer et la performativité de la masculinité dans notre société contemporaine. À la tête de la maison d'édition Precious Liquid Media, une plateforme dédiée à l'art érotique ayant une approche expérimentale, Cadeau défend un point de vue queer et un imagerie stimulante renouvelant notre rapport à la masculinité. La pièce présentée dans l’exposition joue avec le décalage de la scène représentée – une caresse sensuelle encadrée de roses – avec son support : une assiette offrant à la vue de tous ce geste intime et avec laquelle les convives potentiels vont pouvoir se sustenter.
L’artiste britannique basé à Paris Colin J. Radcliffe présente Glaucus, une sculpture en céramique réalisée en 2024. Réimaginant l'imbrication intime entre l'histoire, la mythologie et l'expérience personnelle, le travail de Radcliffe façonne le passé pour créer un futur désirable à travers un prisme queer recontextualisant les récits d'intimité, de résilience et d'identité de notre histoire contemporaine. Radcliffe recadre les mythes et les histoires hérités en centrant de manière ludique les identités queer dans des espaces qui les ont systématiquement exclues, jouant ainsi avec nos préjugés et notre formatage culturel. Ici, le mythe de la divinité marine Glaucos, largement oublié, est réincrusté dans notre réalité moderne grâce à la céramique en utilisant un vocabulaire mainstream[5] rappelant celui du dessin animé.
Avec son film I will never know who you are, l’artiste-cinéaste Léolo Victor-Pujebet, tête de proue de la jeune scène arty-porn gay européenne, donne poétiquement et visuellement corps à une insomnie hantée par une vieille vidéo d’adolescence. Le film projeté dans l’exposition tisse les fragments recomposés d’un souvenir jamais élucidé : celui d’un acteur inconnu aperçu un jour dans un teaser et jamais retrouvé. Le choc esthétique et érotique, si court fût-il, a pourtant marqué l’artiste à vie. Entre quête numérique et rêveries nocturnes, I will never know who you are est une lettre d’adieu à une obsession fantôme, un amour impossible, comme une blessure esthétique jamais vraiment cicatrisée.
Fondateur et directeur créatif de Crosby Studio, l’architecte d’intérieur et designer franco-russe Harry Nuriev développe un environnement inédit, entièrement construit avec l’iconique canette métallique du Male. Dans un esprit Pop, son approche innovante du design fusionne l'art, l'architecture et la mode en transformant des objets du quotidien en témoignages éloquents de notre société contemporaine. Les canettes sont savamment empilées pour devenir canapé, fauteuils et murs, et cette architecture de métal renvoie au visiteur son propre reflet, comme un miroir : Le Male est tout un chacun !
Beyond[6]
Cette exposition est l’occasion pour Jean-Paul Gaultier de développer de nombreuses collaborations et des surprises inédites. Un sac contenant un poster du Male édité d’après les campagnes publicitaires photographiées par Jean-Baptiste Mondino mais aussi le journal de l’exposition et des cartes postales réalisées spécialement pour l’évènement est offert à tous les visiteurs de « Et Gaultier créa l’homme : Le Male - Past, Present, Future ». Les 200 premières personnes à entrer dans l’exposition se verront offrir une édition spéciale du porte clef « can », des stickers collectors et le magazine Other-Ness. Les partenariats avec l’application Cur8, le podcast Transfert, le magazine NSS ou le magazine Têtu qui célèbre l’exposition en publiant une édition spéciale pour l’occasion, permettent de prolonger l’évènement chez soi. Gaultier Forever !
[1] Une usine des plaisirs.
[2] Drague.
[3] Surnommée la « Factory », l’usine.
[4] Prises de vue réalisées près du modèle.
[5] Grand public ou courant dominant largement accepté dans une société.
[6] Au-delà.